LE DEVENIR DES RÉFUGIES CLIMATIQUES EN QUESTION
Il ne reste que quatre ans aux 350 habitants de Newtok, en Alaska, avant que leur village ne disparaisse. Alors que la concentration de CO2 dans l’air vient d’atteindre un record, 150 millions de personnes dans le monde vivent dans des zones susceptibles de disparaître sous les flots d’ici la fin du siècle. Et avant même d’avoir les pieds dans l’eau, les habitants doivent quitter des endroits dans lesquels ils ne peuvent plus vivre : la salinisation des nappes phréatiques proches des côtes les rend impropre à la consommation, et les terres impossibles à cultiver. La réalité des réfugiés climatiques est cependant bien plus vaste. A côté des habitants des îles du Pacifique ou de l’Alaska, il y a aussi les personnes qui ont dû fuir la Nouvelle Orléans après l’ouragan Katrina, ou encore ceux que menace la raréfaction en eau, due à la fonte des glaciers. Par conséquent, les paysans se déplacent vers les capitales pour travailler et ramener quelques subsides à domicile, en Amérique du Sud comme en Afrique. Ces migrations intra-étatiques peuvent être périurbaines, régionales, circulaires, saisonnières, due aux facteurs climat comme à des causes économiques, politiques ou familiales. Autant d’éléments qui rendent la définition même de « réfugié climatique très complexe. Le choix d’un cadre juridique n’est donc pas évident : la convention de Genève, qui encadre le statut des réfugiés, ne garantit de protection qu’aux personnes ayant franchi une frontière, le projet de Convention internationale sur les déplacés environnementaux reste théorique tant qu’il n’est pas doté d’une organisation mondiale environnementale spéciale, doublée d’une haute autorité indépendante et d’un fonds financier, et la Convention de Kampala, premier texte inter-étatique contraignant sur le sujet entré en vigueur en 2012, établit une hiérarchie entre une protection importante des personnes victimes de persécutions politiques ou de changements climatiques et ceux qui fuient simplement la misère et se verraient refoulées de manière systématique. Sachant qu’il n’est pas toujours aisé de démêler les raisons climatiques des raisons économiques (notamment pour les paysans), la mise en avant de la problématique des réfugiés climatiques peut aussi induire un risque de crispation, dans un climat de fermeture des frontières et de rejet de l’autre. Les partis d’extrême droite ont d’ailleurs déjà récupéré le thème pour alimenter la peur de l’étranger dans certains discours. Reste que la gestion des flux migratoires et des futurs risques liés aux catastrophes écologiques feront certainement partie des grands défis de demain : selon les Nations Unies, 500 millions de personnes pourraient migrer d’ici 2050 pour cause d’inondations, de dégradation des sols, de catastrophes naturelles ou encore de déforestation et d’accidents industriels…
Lire l’article